Avant de prendre congé de la seduisante protagoniste de ce livre, jai voulu linterviewer à Versailles, dans la sérenité du passé et dans la lumière de sa inégalée beauté. Versailles pouvait être le Monument à lunité nationale française, vieille de plusieurs siècles, mais elle fut utilisée comme Olympe de la Monarchie, avant dêtre definitivement transformée en Temple de lhistoire de France et de ses Gloires rappelées et recueillies dans les infinites oeuvres dart des ses merveilleuses Galéries. La grandeur de Louis XIV et la médiocrité de Louis XV firent de Versailles le Palais de lAmour et de la Femme: à partir de la jeune duchesse de La Vallière à Mme de Montespan; de Mme de Maintenon à Mme de Mailly, de Vintmille, de Laurangais; de Mme de Châtouroux à la même Madame de Pompadour, et, pour finir, Madame du Barry.
La confirme vien de la grande Salle de Vénus, avec ses fresques representant les plus grands et tourbillonants amours de lhistoire: de Titus et Bérénice, à Marc-Antoine et Cléopâtre, à Giasone et Médée, à Thésée et Arianne, à Nabucodonosor et Sémiramis à Cyr et sa princesse anonyme.
Dans tout ce carroussel de passion et de jeunesse, qui est ainsi un poeme dédié aux sentiments, à sa virilité, à sa figure autoritaire, le Roi Soleil est répresenté comme un homme qui passe sans probleme des bras de ses amants aux champs de bataille, toujours comme un rapid vainqueur.
Cest dans cette merveilleuse Salle, réservé au culte de la Déesse la plus adorée, que Jeanne-Antoinette a repondu à nos questions avec les mêmes mots quelle avait utilisés dans ses meilleurs années. Et cest encore dans cette Salle, où lamour vibre de toutes partie, que la Dame de Pompadour me reçoit avec la même veste qui portait pour le portraitiste M. Q. de la Tour.
Son apparition par une des portes situées au fond de la salle jette dans lombre la prciosité du milieu qui devient une inutile et pauvre cadre de sa foudroyante beauté. Ses cheveux blondes qui allaient doucement vers le gris, encadraient lovale parfait de son visage qui semblait dessiné par une main divine; ils exaltaient la lueur de ses yeux, voilés dune profonde mélancolie. Le cou et les épaules étaient parfaitement modelées et se profilaient sur son buste soigneusement bien droit en completant sa figure de fleur rare, née comme un miracle dun artiste inimitable. Lélégance discrète de sa veste en satin met en évidence le style et la personalité unique de la femme qui la porte avec une allure royale et qui, avec un sourir légér, me permet de lui parler pour revivre ensamble un moment de sa vie et pour se rappeler delle pour toujours comme un champion de féminité et de lhumaine intelligence.
Madame, la politique a pris une bonne partie de son activité officielle. Pourquoi?
Moi je naime pas tellement la politique, mais à cause de ma singulière fortune jai étée obligée à letudier. Vous vous surprenez quune femme soccupe de toutes ces choses, mais ma situation est particulière en tous cas. Jai démontré plisieurs fois que les femmes peuvent avoir raison et donner des bons conseils. Si je peux voir la France en paix, le Roi heureux, les sujets tranquilles je pourrai dire davoir veçu suffisament. Pour faire de la politique il faut du bon sens et se conduire correctement. Mais la politique nest pas bonne pour les femmes, car la réflexion nest quun effet de lâge.
Madame, comment jugez vous les hommes politiques?
Lart dun homme politique est celle-ci de tromper et de mentir pour le bien de lÉtat.
Que pensez-vous des nos deux Pays?
LItalie est le Pays le plus beau dEurope, mais il est aussi le plus faible. La France est invincible quand on lattaque chez elle, mais elle naime pas beaucoup la mer. Jose dire quelle ne brillera jamais comme puissance maritime.
Les guerres sont vraiment inévitables?
Le mesquin point dhonneur est infiniment plus funeste dans les grandes disputes entre les peuples que dans celles des petites familles. La paix est le bien le plus precieux quun roi peut donner à ses sujets. Lambition et la vanité des princes causent la ruine des peuples.
La position externe de la Russie et de lAngleterre envers le reste de la vieille Europe... Votre experience dans le gouvernement, que suggerait-elle?
Il y a cent ans, la Russie était inconnue comme les terres australes. Elle deviendra peu à peu aguerrie et apprendra lart militaire pour servir les differents puissances qui voudront lemployer; bientôt elle arrivera à battre ses maîtres de façon formidable. On verra peut-être une nouvelle invasione des barbares sortis par les antres de la Sibérie, commandés par un nouvel Attila, ils inonderaient lEurope. Que Dieu nous en préserve!
En Angleterre il y a seulement les marchands qui veulent la guerre et ils la font déclarer quand ils prefèrent. Cest pour ça quil ne faut pas ecouter ce quon dit à la Cour mais ce quon dit à la Bourse de Londre. Les Anglais sont singulières: ils sont avides, injustes, et donc ils sont les ennemis naturels des autres Pays. Ce peuple est très extremiste: dans le vice comme dans la vertu. Ils détestent les Français avec tout leur coeur, et les Français le détestent à leur tour, ils se font toujours la guerre, même si seulement dans les intentions. Les Athéniens juraient de considerer comme des domaines de leur République tous les lieux où ils plantaient vigne et olivier. Les Anglais ne jurent pas, mais ils se conforment dans la pratique.
À votre avis la Monarchie est toujours préférable à la République?
Un souverain a deux familles, la sienne et la grande famille de létat, et à cause de ça il a toujours une raison pour souffrir. Dans une Monarchie (absolue) le roi donne un coup de pied à son premier ministre, ceux-là le donne aux grands dignitaires de la Couronne, qui le passent à ses inferieurs. Cest une réaction en chaine parmi les differents ordres du pays, qui sarrète au dernier des sujets. Dans une république les choses sont très differentes: celui qui occupe la dernière place peut rejoindre la première. Pourtant il y a une sorte dégalité parmi tous les membres de la société; ils sont citoyens par rapport à la costitution, il ny a pas de distinction permanent entre eux: ils sont tous nobles et législateurs. Mais je doit observer que cest une tradiction de toutes assemblée de décider en majorité: quelque fois ça serait mieux de décider en minorité.
Le pouvoir temporal des ecclésiastiques a donné un conditionnement pas toujours positif sur la politique non pas seulement française de votre siècle. Quels sont, Marquise, ses impressions à légard de ces ingérences politiques?
Je perçois la réligion mais jai des difficultés à respecter ses ministres, sourtout dès qu je les ai connus. Les prêtres veulent que tous les hommes soient leur semblants. Je pense quils sont en majorité vaniteux, ambitieux, mauvais sujet du roi et très mauvais serviteurs de Dieu. Si vous parlez de raison aux ecclésiastiques, ils vous repondent avec un pas de la Bible. Jaimerai savoir si des tels hommes sont dans le monde autant necessaires que incommodes.
Quel futur prévoiez-vous pour la Rome des Papes?
Toute lEurope regarde aujourdhui avec surprise un Pape qui ait du bon sens et qui soit philosophe (on parle de Bénédict XIV). Malgré ça il reste un prêtre, pour réspectable quil soit. Il me surprend que les roi continuent encore à envoyer des ambassadeurs près des prêtres qui ne peuvent plus faire ni du bien ni du mal. Je pense souvent aux ecclésiastiques et jimagine que le pauvre Saint-Pierre naurait jamais pensé que ses successeurs devaient avoir des ambassadeurs et pouvaient se placertout bonnement au dessus du roi.
Voulez-vous nous dire quels sont Vos sentiments envers la religion catholique?
La religion chrétienne est vraie, sainte et consolatrice: il ne sagit pas de la détruire, mais den éliminer les abuses, couper les rameaux secs, non larbre. Cest vrai que la majorité des prêtres peuvent la détruire à cause de leur ambition et de leur intollerance. Moi, je pense quils sont faites pour prier Dieu et non pour gouverner les hommes. Jadore le Seigneur pour sa bonté.
Madame, comment considerez-vous les femmes, du moment que vous pouvez vous considerer la meilleure expression de votre sexe comme beauté, intelligence, style et élégance?
Lambition des femmes est celle de plaire, mais ainsi elles ne vivent pas. Elles ne peuvent plaire que pour dix-quinze ans et finissent pour négliger lesprit que doit leur servir pendent toute la vie, pour pouvoir viellir avec sérénité. Les belles femmes inspirent sentiments délicats et sachent raisonner et donner des bons conseils parce que lintelligence na pas de sexe. La seule difference entre les deux sexes cest que le notre est plus aimable, mais nous sommes beaucoup plus difficiles que les hommes à gouverner.
Madame, Vous êtes une femme superieure, avec une sensibilité élévée, nous ne pouvons pas nous empecher de vous demander un jugement sur lintelligence humaine et sur les grandes têtes de Votre temps.
Quand Newton impressionna lEurope avec ses idées sublimes, personne naurait jamais pensé quune femme française, Émilie de Chatelet, aurait pu non seulement le comprendre mais aussi lexpliquer. Cest la confirme que lintelligence na pas de sexe. Avec Molière est mort le génie comique. Nos auteurs théatrales ne traiten pas que le ridicules, ils devraient attaquer les vices. Nous avons mille auteurs differentes, mais nous navons quun poete: Voltaire. Sil ne croit pas en Dieu, comme on dit il est pire pour lui. Ça nempeche quil soit un grand homme.
Comment voyez-vous les grands de la nouvelle pensée française et l Encyclopédie?
Quelquun dit que dans le Dictionnaire Encyclopédique soient contenues des maximes contraires à la religion et à lautorité du Roi. Si ça cest vrai il faut bruler le livre, sil est faux il faut bruler les calomniateurs. Montesquieu était un grand homme et un bon citoyen. Quelques-unes dentre ses oeuvres moindres me faisaient jouir beaucoup. Quant à son Esprit des Lois je navais pas le temps et peut-être même pas la capacité de le lire. Ces lectures approfondies ne sont pas que pour peu de femme. Voltaire a écrit quelque part que les femmes sont capables de faire tous comme les hommes, la seule differance entre nous est que nous sommes plus douces.
Quels sont ses auteurs préférés?
Mon préféré est Voltaire, un homme charmant qui plait et qui persuade tous ceux quil veut. Je ne crois pas quun homme puisse avor autant dintelligence, de léloquence, de lhumanité. Je suis surprise de sa capacité de produire autant des choses si belles à son âge et quil soit si vif et humain; Rousseau est un peu fou, malgré tous ses mérites. Il écrit dune façon tant singulière et arrogante que je ne me suis pas faite une opinion trop bonne de sa tête. Il essaie dêtre extravagant, bourru et grossier avec le même soin que les autre prennent pour se montrer agréables, joyeux et gentiles. Ce nest pas un auteur pour moi: il est trop serré, hargneux, toujours mordant et polémique. Il ne me plait pas.
Comment alimentez-vous Votre culture?
Je necessite dune philosophie aimaible, douce, touchante, sans raisonnements, sans argutie davocats; sourtout sans mauvais humeur. Je barbouille des cartes, comme tous. Je rédige mes memoires sur ma sorte singulière, sur les avenements que je vis qui sont encore plus extraordinaires. Je la trouve une occupation raisonnable pour une femme qui a dépassé lâge pour plaire. Tels memoires ne seront publiées quaprès ma morte. Ainsi jéviterais toutes reproche et des hommes mesquins et détestables, dont je parle dans ma vraie histoire, parce que le morts sen fichent des vivants.
Marquise - mais je pourrais dire Majesté - le fauteil de Favorite du Roi de France a été satisfaisante pour son ambition, mais elle la aussi mise en face de devoirs et situations quune femme difficilement assume. Comme avez-vous réagi?
Lambition est le plus grand des supplices, sourtout dans le coeur dune femme. Je suis presque à pleurer sur ma folie, mais je ne suis pas encore capable de men repentir. Je suis seule, dans le milieu de cette foule de petits hobereaux qui me détestent et que je mépris. La vanité, les grandes aires, la petitesse desprit et la fausseté la rendent insupportable.
Lexercice du pouvoir porte à la felicité?
Je plains les grandes de la terre qui sont considérés si heureux. Je pleure souvent sur lambition qui ma portée ici et qui my retient: plaindrez-vous ma faiblesse. Il est peu approprié à une femme de parler de ces choses: lambition de la plupart de mon sexe est celle de plaire aux hommes.
Quels rapports avez-vous avec la Reine dont laquelle vous êtes Dame de Cour?
La Reine me déteste, elle semble oublier le précepte qui oblige les reines, comme tous les autres, à aimer son prochaine comme soi-même.
Madame, comment avez-vous accuelli le splendeur de la Cour?
Je me suis apperçue davoir commis une sottise venant à Cour. Le faste, la grandeure, les plaisirs de ce milieu ne menchantent plus. Le charme est terminé et je ne trouve pas dans mon coeur rien dautre quun immense vide que rien peut remplir. Quelque fois je pense de façon differente et jen suis heureuse: nous ne sommes que des instruments de la Provvidence.
Avez-vous pensé dabandonner Votre place à côté du Roi?
Je pense tout le temps dabandoner la Cour et de me retirer pour me consoler avec mes amis, mais ma faiblesse me retient: je déteste ce monde, mais je ne peux pas le laisser.
Et donc... vous vous considerez malheureuse?
Sil y a du bonheur sur la terre, ce nest pas dans une Cour quil faut le chercher; je ny trouve que des fausses joies, faux plaisirs et faux amis qui menacent de massasiner en membrassant. Avant jimaginais inconsciemment que la Cour fut le siège du sourir et du plaisir. Cest plutôt celui des larmes, de moins pour moi.
Comment voyez-vous les fréquenteurs assidus de la Cour?
Quand je considère les baissesses, limpertinence et le caractère servile dela plupart des courtisans, je trouve beaucoup de difference entre les grands hommes et les grands seigneurs. On dirait que les hommes mechappent pour mabandoner à un troupeau danimals en forme humaine, qui mennuyent. Probablement je deviendrai vraiement philosophe et après avoir connu la vanité du monde, je finirai pour la mépriser. Je nai pas eu un seul instant agréable dès que je suis là. De toute façon, je doit faire contre mauvaise fortune bon coeur, parce que je lai voulu.
Madame, avez-vous beaucoup damis?
Jai beaucoup de connaissances, beaucoup de très humbles serviteurs et de très humbles servitrices que je vois sans aucun plaisir et que je laisse sans aucun chagrin. Les flatteurs sont des sots qui pensent que les autres sont faites comme eux.
Si vous aviez la liberté de choisir, comment utiliseriez-vous Votre temps?
Je ne voudrais dautre occupation que celle de faire du bien: cest la seule chose que jaime. Mon pouvoir est très limité et je ne souffrirais pas de navoir encore moins, avec le but de ne vivre que pour moi-même. Les belles dames menvient et moi, jenvie leur liberté. Voila, lagréable existence que je souhaite à tous mes ennemis. La misère publique, la haine des ennemis, lennuye de la Cour, la mauvaise santé, les rides que je commence à voir sur mon visage, tout, dans un mot, sert à rendre ma situation autant triste quon la croit agréable.
Avez-vouz peur de la morte?
Oui, je la crains, mais non pas pour moi, quant pour ceux que jaime et qui elle marrache des bras. Jexamine souvent ma conscience: cest un effect de lâge. La morte est libération. Une belle femme crains plus la fin de la jeunesse que la mort.
Quest-ce que vous attendez encore de la vie?
Rien. Je devais me rétirer de la Cour, mais je suis faible et je ne peut pas la supporter ni labandoner. Je nai plus le gôut pour ce que jamais auparavant. Je ne vis plus, je suis morte avant le temps. Tout le monde partecipe à rendre amère mon existence. Autant de haine et dacharnement général me rendent éxtrémement sensible: ma vie est une morte continue.
Marquise, tout le monde sait que à Versaille, dans le Théâtre de Cour, à côté des acteurs connus vous avez joué des rôles importants dans des oeuvres dexcellents auteurs. Vous vous réputez une bonne actrice ou une grande protagoniste de Votre temps?
La réponse se trouve dans mes letteres: ceux qui ont eu la curiosité et la patience de les lire ont trouvé que la mienne nest quune histoire de vie, brève et intensément veçue, seulement pour la France.
Fin
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